jeudi 17 août 2017

Quand le chat de gouttière s'invite sur le blog [14] : La servante écarlate


Titre: La servante écarlate
Auteur: Margaret Atwood
Maison d'édition: Robert Laffont
Année d'édition: 2004
Nombre de pages: 544 pages
Prix: 11,50€

Bonjour les ‘tits chats. La lecture du jour est assez froussophile. Le mot n’existe pas ?! Pas grave ! Je l’invente. C’est ça, être un chat de gouttière, on lit ce qu’on veut, on n’a aucun vocabulaire et surtout on ne suit pas les tendances communes.
Bon revenons au livre. Froussophile, pourquoi ? Parce que cette vidéo



Alors, n’ai-je pas raison ?
Mais avant tout, comme vous connaissez mon habitude, faisons connaissance avec Margaret Atwood.

Margaret Atwood (1939-…., Canada)
Ecrivain canadienne
Après avoir préparé une licence à Toronto, Margaret Atwood obtient une maîtrise à l'université de Radcliffe en 1962. Son premier écrit, Le Cercle Garne, lui vaut la récompense littéraire générale du Gouverneur en 1964. En 1969, l'écrivain canadien publie son premier roman Comestible de femme. Sa bibliographie se compose d'une trentaine d'œuvres variées telles que des poésies et des romans. Mais Margaret Atwood, féministe et nationaliste, est surtout célèbre pour ses romans qui évoquent des thèmes universels en rapport avec la société canadienne. Elle use habilement du suspense et de la science-fiction. Son talent est sans conteste à l'origine de divers degrés honorifiques comme l'ordre d'Ontario et l'ordre norvégien du mérite littéraire. Editée dans de nombreux pays, Margaret Atwood reste l'un des auteurs canadiens les plus connus au niveau international. (http://evene.lefigaro.fr/celebre/biographie/margaret-atwood-13059.php, le 10/08/2017)


Cela se passait à Gilead, une contrée fermée où régnaient les hommes et où les femmes étaient réduites à trois fonctions principales : éducation, servitude, reproduction. D’abord, il y avait les Epouses officielles, habillées de vert, à qui revenait l’éducation des enfants. Ensuite, les Marthas, vêtues de bleu, assignées à l’entretien de la maison et à la préparation des repas, et puis les Servantes, reconnaissables à leurs robes rouges, destinées à la reproduction.
Pas de sentiment, pas de désir, tout est fonctionnel dans ce Gilead austère. Ce système de société fut instauré pour contrer des problèmes politiques, tels que les mauvaises relations avec les nations voisines, les problèmes écologiques ou la stérilité. Quiconque à Gilead contrecarrait aux règles était sanctionné, pendu au Mur ou envoyé au Colonies pour nettoyer les sites pollués par le nucléaire. Tout cela nous est raconté par une certaine Defred, car le récit que nous avons en nos mains s’appelle en vérité Le conte de la Servante écarlate.

Beaucoup de choses me viennent à l’esprit, à l’issue de la lecture. Des éléments du livre font penser aux communautés hollandaises luthériennes du XVIIe siècle par l’aspect austère des robes et par la surveillance des femmes, et bien sûr 1984 de George Orwell, par l’appendice à la toute fin du récit, où l’on trouve des informations complémentaires sur Gilead.

Le personnage principal, Defred - Offerd en anglais, nous parle d’un temps révolu où les femmes pouvaient marcher seules en rue, travailler, avoir des amants ou non, être mariées ou non et nous explique comment le système répressif s’est mis en place (coup d’Etat avec l’assassinat du président, interdiction aux femmes de travailler, d’avoir un compte en banque, puis les femmes célibataires pourchassées, et ainsi de suite).
L’évocation de son passé est mise en parallèle avec son quotidien. Le sentiment d’étrangeté, voire de malaise, provient que tout se passe dans un décor familier : petites villes nord-américaines aux jardins bien entretenus, maisons communes pour les activités locales, terrain de football, universités, etc. Tout a été détourné de sa fonction d’origine. Ainsi l’université, où elle avait suivi ses études de lettres, est devenue le lieu d’éducation des futures Servantes, choisies parmi les femmes jeunes et fécondes de la société. La fonction reproductrice est l’enjeu du récit. Gilead doit faire face à un gros problème de stérilité. Il faut donner un enfant à chaque famille officielle. Pour ce faire, les Servantes sont attachées à une famille. Quand elles ont mis au monde uun enfant viable (ce qui devient rare), elles vont dans une autre maison et ainsi de suite. Jusqu’à quand sont-elles assignées à cette tâche ? Que deviennent-elles ensuite ? Nous ne le saurons pas, la communauté de Gilead a été installée depuis peu quand Defred commence à nous parler, peut-être depuis dix ans.
Comment ne pas être sensible à ce récit et à cette phrase : « Nous n’avons rien vu venir », phrase qu’elle prononcera souvent. La conception de cette société liberticide est déjà bien construite quand le coup d’Etat a lieu. Il n’y a plus qu’à…

Dans ce monde de peu, Defred s’intéresse à des objets de l’époque d’antan, comme les revues féminines qu’elle méprisait alors. Mais quelle est l’opinion de l’auteur ? Doit-on être heureux de notre monde, ne plus émettre de critique et jouir sans entrave ? Je ne suis pas sûr, peut-être que sa réflexion porte sur la limite à la critique sociale qui peut basculer très clairement dans l’extrémisme. Le Bien pour tous : comment faire pour que cela ne tourne pas en malheur de chacun ?
L’aspect le plus pertinent du récit est de ne pas en faire un récit « profemme ». Trop souvent, nous lisons (ou regardons) des histoires dites féministes, où l’on voit les femmes victimes, mais héroïnes, et les hommes, bien sûr tous des salauds, sauf le compagnon de l’héroïne, compagnon qui sauve notre héroïne grâce à sa force de mâle (car bien sûr les femmes sont faibles). Point de cela ici.
La société est bel et bien sexiste : les hommes d’un côté à qui revient le pouvoir, les femmes de l’autres, et qu’elles se taisent. Mais pour que ce système social fonctionne, les idéologues ont laissé des soupapes de sécurité. Ainsi pour que la répression puisse bien s’ancrer, il faut instaurer des centres de libertés (les bordels privés pour les Commandants), le marché noir (je te tiens tu me tiens par la barbichette), et surtout l’instruction des Servantes par une caste de femmes au pouvoir absolu, les Tantes, sans parler des jours de rédemption où les Servantes sont amenées à tirer sur la corde pour punir celles accusées d'avoir fauté (autrement dit, elles participent à leur pendaison), ou le lynchage d’un homme accusé de viol. Tout le monde contribue à la bonne mise en place de la politique de Gilead, tous ont quelque chose à cacher, connaissent le secret de l’un ou gagnent en pouvoir.
Autre aspect perturbant est la date de la première publication, 1987. Nous étions bien loin de penser aux Twin Towers et aux attaques de Charlie. Et pourtant dans le roman, une des nombreuses raisons qui ont amené à la société liberticide sont les attaques islamistes. Je ne suis pas étonné de voir que depuis sa sortie, il y ait un regain d’intérêt pour ce roman (voir la B.A. de la série plus haut et le trailer du film)

ATTENTION SPOILER (me voici qui fait mon Chat, non mais !)
Que devient Defred ? C’est une fin ouverte. Je ne supporte pas les fins ouvertes, mais ceci est compensé par l’appendice qui est une conférence des études gileadiennes, prononcée quelques siècles plus tard. Ainsi Gilead fut de courte durée, des éléments sont éclaircis, mais aucune réponse n’est donnée. On suppute l’identité du Commandant et de son Epouse, Serena Joy. Je n’en dirai pas plus, mais les loups peuvent porter des masques d’agneau.
FIN DU SPOILER

Vous avez compris ! C’est un excellent roman, qui a marqué son époque à sa sortie et qui marque toujours autant les esprits. Je ne pense pas voir la série, ça me fout la frousse de revivre ça, mais je resterai éternellement aux côté de Defred et espère que là où elle est, elle peut choisir. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire